Les Jâtaka

Jérôme ROUER, juin 97

Jâtaka est le nom donné à une collection de récits des vies antérieures du Bouddha.
Comme on suppose que le Maître a traversé les fortunes les plus variées, depuis l'état animal jusqu'à celui de dieu, en passant par les diverses conditions de l’humanité, sa longue carrière de bodhisattava est une ample matière à des récits de toutes sortes, contes moraux, contes satiriques, apologues, fabliaux, etc...
Ces histoires sont sans équivalent dans aucune littérature car le Bouddha ne connaît pas seulement ses propres naissances, mais il connaît aussi les naissances passées de toutes les créatures. Et, à l'occasion, il les raconte.

Le procédé de narration est toujours le même :
Les circonstances qui ont provoqué le récit du Bouddha sont exposées plus ou moins brièvement , puis vient le récit lui-même, enfin en guise de conclusion, le Bouddha relie le passé au présent en marquant l'identité des personnages sous leurs rôles différents.

Le plus grand nombre de Jâtaka se situe au temps «où Brahmadatta régnait à Bénarès», expression équivalente à notre «Il était une fois..».

Le Bouddha y apparaît dans les rôles les plus variés ; il est tour à tour ascète, roi, savant, courtisan, brahmane, prince, noble, marchand, propriétaire, esclave, potier, cornac, bûcheron, maçon, voleur, acteur, étudiant, etc... Tantôt il est dieu ou divinité d'un arbre et parfois un simple animal, serpent, lézard, taureau, porc, chien, etc...
Le Bouddha n'a pas le préjugé de la noblesse, il montre par un exemple réconfortant qu'on peut à tous les rangs de la création, réaliser en soi la perfection et servir les intérêts collectifs de l'Univers.

Les matériaux les plus disparates viennent se fondre harmonieusement dans ce recueil incohérent et toujours ouvert. Tout le trésor du folklore indien s'est déversé dans ce cadre commode, y a reçu l'estampille bouddhique et a été colporté dans tout l’Extrême-Orient qui l'a reçu avec enthousiasme.

Les Jâtakas sont au nombre de 547. Certains sont plus populaires que d'autres.

Les jakata du Laos

Au Laos dix jakata forment une collection particulière appelée «Sip Xat» (les Dix Jâtaka) dont les plus connus sont :

Le Temiya Jâtaka:
«Le prince héritier Mûgapakkha est resté muet jusqu'à l'âge de treize ans. Il recouvre la parole au moment où son père veut l’enterrer vivant, il explique alors son silence antérieur en montrant qu'une parole inconsidérée peut être cause pour celui qui l'a prononcée de grands tourments dans les existences futures».
Le Sâma Jâtaka : «Sâma qui nourrissait son père et sa mère aveugles, meurt de la blessure que lui a fait involontairement le roi de Kuçi qui chassait le cerf. En expirant il charge le meurtrier d'annoncer la nouvelle à ses parents. Ils se lamentent si douloureusement que Sakka ému rend la vie à Sâma».
le Pua Vet, nom laotien du Vessantara Jâtaka, qui est le plus populaire (Cf. ci-dessous Boun Pha Vet).

Il existe encore une autre série de Jâtaka qui rivalise de popularité avec les cinq cents Jatakas.
C'est le Pannasajâtaka (Ha Sip Xat) ou les cinquante Jâtaka. Ce texte très particulier se rencontre dans toute la littérature de l'Indochine occidentale, et a vraisemblablement été composé en pays thai. Il en existe des versions birmane, khmère, siamoise et laotienne. La recension laotienne offre la particularité de posséder 27 contes sur 50 qui ne se trouvent dans aucune des autres versions.
Ces 27 récits sont absolument originaux. Ils sont actuellement en cours de traduction.

Les cinq cents Jâtakas laotiens forment un cadre commode où on a fait entrer toutes sortes d'histoires en langue courante. Leur étude sera sans aucun doute une mine de renseignements sur le folklore local.