Les enterrements royaux.


Dans la mesure où la mort n'est pas foudroyante ou accidentelle, il est d'usage de transporter le roi dans la chambre d'agonie, située à l'arrière de la salle du trône, lorsque viennent ses derniers moments. On le place alors de façon à ce que sa tête soit orientée vers l'Est et deux Achar ne cessent de lui souffler l'imploration rituelle ("Saint Bouddha") afin que son âme ne s'égare pas.

Dès le décès, la dépouille est exposée sur un cataphalque pour recevoir les hommages des membres de la famille royale et personnages importants. Ensuite, les nécrophages du palais peuvent procéder à la mise en urne.

On met une pièce d'or dans sa bouche, on l'habille et l'on couvre son visage d'un masque d'or avant que des bonzes ne psalmodient des chants liturgiques. On donne au corps la posture rituelle pour qu'il rentre dans l'urne que l'on emplit de produits conservateurs avant de la souder. Cette urne, normalement en cuivre, est elle-même placée dans une autre urne en bois finement travaillée.

L'urne est ensuite mise au sommet d'un catafalque, normalement de neuf étages, où elle est exposée jusqu'aux fêtes de la crémation dont la date est arrêtée par le hora, astrologue du palais. Jusqu'à cette date, on apporte au roi défunt trois repas par jour pendant lesquels des bonzes prient.

On édifie un mén, pavillon où la crémation aura lieu, dans lequel on place un autre catafalque de neuf étages.

Le cadavre est ôté de l'urne, lavé et rhabillé avant d'être remis dans une autre urne d'apparat pour le cortège. Ce dernier dure plusieurs heures et réunit un grand nombre de personnes pour amener la dépouille royale jusqu'au mén où aura lieu la crémation. Elle est encore exposée là huit jours pendant lesquels des bonzes se relient pour prier jour et nuit et qui sont l'occasion de festivités pour la population. Aux deuxième jour des festivités, on procède à la crémation de ce qui était dans l'urne à l'exception du corps (vêtements, coussins, résidus du lavage du corps). Ce n'est qu'au dernier jour qu'a lieu la crémation. Le feu, pour être pur, est allumé par le nouveau roi au moyen d'une lentille qui réverbère le soleil.

Le lendemain, le roi dépose 32 pièces dans les cendres symbolisant les 32 organes de l'être humain selon la conception bouddhique. Un achar mêle le tout au cendre pour que l'on procède à la cérémonie de Bangvil popil : trois tours accomplis lentement autour du bûcher par des personnes autant que possible heureuses, sages, considérées, fortunées, mariées ou d'état religieux pour écarter tout mauvais sort à la lignée du mort.

Ensuite, les ossements sont recueillis, lavés et passés dans un tamis que l'on recouvre d'un tissu et dépose dans un plateau. Ce dernier est placé devant l'autel des ancêtres. Les cendres et les débris du bûcher sont mis dans quatre sacs qui sont précipités dans les eaux du Mékong, au niveau des quatre bras (Chaktomuk) en face du palais royal. Quant aux os, ils sont mis dans une nouvelle urne, le Kot, exposée au sommet d'un nouveau catafalque autour duquel des bonzes prient au son des conques et de la musique des morts, omniprésentes pendant toutes les cérémonies relatées. Les os sont ensuite répartis entre un stupa royal et la salle des ancêtres du palais pour qu'ils y reçoivent le culte quotidien.