Les Yantra

En khmer : "joan" précédé des mots "sak ou cha" sur le corps humain (tatouages), ou "koeunsaï" (tissu).

Lire l'étude de Catherine Becchetti, Les mystères dans les lettres, Editions des cahiers de France, Bangkok.

Jérôme ROUER, avril 97.


Les Yantra et Mantra thaïs ou khmers, diagrammes ou amulettes n'ont rien à voir avec les yantra et autres mandala du Tibet ou du Japon. Ils n'ont d'autre objet que d'être des instruments de protection magique. Ils sont fabriqués pour durer et il est essentiel de les porter sur soi.

Ce sont des amulettes et des diagrammes de protection sur lesquels sont tracés des formules sacrées. Leur puissance est lié au caractère sacré des écritures et à la qualité du bonze qui les a conçus et consacrés. On les utilise encore à chaque fois que l'on veut attirer la chance et le bon sort avec soi : obtenir richesses et succès, ne pas avoir d'accident, revenir de la guerre...


La tradition du bouddhisme du Petit Véhicule propose à ses fidèles, depuis toujours, des objets qui rendent leurs porteurs invulnérables ou les protègent.

Ces objets, feuilles de papier, pièces de tissu, foulards, chemises, plaques métalliques ou tatouages sur le corps contiennent ou représentent des stances du Tripikata (le Canon pâli du bouddhisme) décomposées en syllabes plus ou moins ésotérique car écrites et arrangées en assemblage graphique complexe et totalement hermétique pour les non-initiés. Les yantra sont un exemple de ce que peuvent être la valeur et le pouvoir des lettres indépendamment de la signification des formules qu'elles transcrivent. Ils ne sont pas fait pour être lus, mais pour protéger.

Ils sont fabriqués par des spécialistes, des maîtres ou guru, qui opérent en état de transe, mais dans le respect des gestes rituels. Ils doivent être consacrés.

Cette pratique est condamnée par les tenants de la réforme Dhammayutikanikaya.

La vogue des yantra est tout à fait proportionnelle au sentiment de sécurité des populations : au cours des années meurtrières (1970-1975) qui firent le lit des Khmers rouges, la demande de yantra ne pouvait pas être satisfaite. Dans la région de Siemreap, à l'annonce de l'invasion d'Angkor par les Vietnamiens, les bonzes de tous les monastères furent employés à produire collectivement les diagrammes de protection sur des pièces de tissu fournies par les villageois... Mais aujourd'hui il n'existe plus un seul Khmer capable de dessiner et de consacrer un yantra dans les règles... Mais le procédé reste à la mode.

De tout temps tous les milieux, depuis les rois et les seigneurs jusqu'aux simples soldats et paysans, ont utilisés les rites de protection. Tcheou Ta-Kuan signalait que le roi d'Angkor était invulnérable parce qu'il portait un morceau de " fer sacré " inséré dans le corps. Aujourd'hui, rares sont les militaires khmers qui ne soient pas tatoués sur toute la poitrine...

L'usage et la conservation des yantra sont soumis à des règles strictes : ils doivent être honorés par des offrandes quotidiennes, des bougies et de l'encens. Il ne faut pas les mettre au contact des vêtements d'une femme, ne pas le faire passer sous une maison, il ne doit jamais être mis en position basse, il ne faut pas marcher dessus ni l'enjamber etc...