Les débuts de la maison royale actuelle

d'après G.COEDES (in "Peuples de la péninsule indochinoise")

Pour plus de détails, lire aussi :
Chronologie royale
Les événements à partir de 1848 (en français et en khmer)


Ang Eng (1774-1794-1797)

...dans les toutes dernières années du XVIII° siècle, le Cambodge fut amputé, de facto sinon de jure, des provinces de l'ouest (Battambang et Siem Reap) dans les circonstances suivantes.
Pendant le premier règne de la dynastie de Bangkok, le jeune roi Ang Eng qui avait dû se réfugier au Siam par suite des troubles qui désolaient le Cambodge fut couronné à Bangkok en 1794 et rentra dans son pays accompagné et protégé par une armée siamoise.
Cette armée était commandée par un mandarin cambodgien nommé Bèn, qui avait été chargé par le roi de Siam du gouvernement de Battambang. Après la restauration du roi Ang Eng, Bèn se retira avec l'armée siamoise dans cette province qui depuis lors resta, avec celle de Siem Reap, le fief de sa famille. Bien que le sol de ces provinces demeurât théoriquement cambodgien, leur gouverneur recevait ses ordres du roi de Siam qui l'avait nommé et à qui appartenait l'armée d'occupation. Une fois cette armée rapatriée, Bèn continua à percevoir les revenus destinés à son entretien et fit au roi de Siam des présents réguliers qui finirent par être considérés comme un tribut de vassalité que ses descendants fournirent après lui. C'est ainsi que fut accomplie l'annexion de ces provinces au Siam sans qu'aucun texte en eût ratifié la cession.

Ang Chan (1791-1806-1835)

Ang Eng mourut en 1796/1797 et eut pour successeur son fils Ang Chan qui fut couronné à Bangkok en 1806.
De retour au Cambodge, il envoya aussitôt au Viêt-nam le tribut de vassalité dont l'origine remontait au règne d'Ang Non (roi obscur, inféodé à la cour de Bangkok, qui précéda Ang Eng).
Ainsi, au début du XIX° siècle, le descendant des monarques angkoriens recevait sa couronne du roi de Siam et payait un tribut à l'empereur du Viêt-nam.

En 1811, Ang Chan sollicita l'appui de ce dernier contre le Siam qui soutenait un de ses frères.
Il dut se réfugier à Saigon en 1812, mais fut finalement rétabli sur son trône en 1813 par l'empereur Gia-long. Les Siamois, en compensation, occupèrent les provinces septentrionales du Cambodge. En I832, Ang Chan dut de nouveau se réfugier en Cochinchine pour fuir l'invasion du Cambodge par une armée siamoise sous le commandement du Général P'raya Bodin, le même qui avait ravagé Vieng Chan quatre ans plus tôt. Les Siamois s'avancèrent jusqu'à Chaudoc et Vinh-long, mais durent reculer devant les forces du Viêt-nam.
Ang Chan rentra en I833 à Udong où fut laissé en observation le général cochinchinois Truög Minh Giang.

Ang Mei

A la mort du roi en décembre 1834, Trùöng Minh Giang réussit à faire écarter deux de ses frères inféodés au Siam et à porter au pouvoir une des filles du feu roi, la princesse Ang Mei, qui régna nominalement de 1835 à 1841 sous la tutelle du Viêt-nam.

Ang Duong (1796-1847-1860)

Lorsqu'elle eut été finalement exilée à Hué en 1841, les ministres cambodgiens, pour se débarrasser de l'emprise du Viêt-nam, obtinrent de la Cour de Bangkok que fût envoyé à Udong le prince Ang Duong, frère cadet d'Ang Chan.
L'armée siamoise, commandée de nouveau par le général P'raya Bodin qui ramenait Ang Duong au Cambodge, fut d'abord battue par les Vietnamiens en 1842, mais elle eut finalement le dessus et en décembre 1845 un traité (ratifié en I846) fut conclu entre les trois parties intéressées : Ang Duong accédait au pouvoir et Ang Mei était remise en liberté. Ang Duong fut couronné à la fin de 1847 par les représentants des Cours de Bangkok et de Hué, et en I848 P'raya Bodin retourna au Siam.

Le Cambodge continuant à être rongé au nord par le Siam et au sud par le Viêt-nam, Ang Duong décida en 1854 d'envoyer à Singapour un émissaire auprès du Consul de France pour solliciter l'aide de son pays.

La mission envoyée de France en 1855 échoua par suite de la maladresse de son chef, le consul de Montigny, et l'année suivante, Ang Duong sentant ses forces décliner demanda à la Cour de Bangkok de lui renvoyer son fils aîné, qui lui succéda en 1859/1860 sous le nom de Norodom.

Norodom (1834-1864-1904)

En complément lire "le protectorat sous Norodom".

Dés le mois de mars 1861 l'amiral Charner, commandant du corps français d'occupation à Saigon, envoya au nouveau roi un message d'amitié. L'année suivante, à son retour de Bangkok où il s'était réfugié et avait demandé du secours contre la rébellion de son frère Si Votha, Norodom reçut en septembre la visite de l'amiral Bonard, chargé de contrecarrer les prétentions siamoises sur le Cambodge, en faisant valoir les anciens droits de suzeraineté du Viêt-nam sur ce pays. Les négociations du capitaine de vaisseau Doudart de Lagrée permirent à l'amiral La Grandière, gouverneur de la Cochinchine, de signer à Udong en juillet 1863 un traité établissant le protectorat de la France sur le Cambodge.

Mais, avant que la ratification n'en fût arrivée de France, le roi Norodom, sous la pression des délégués siamois, signait avec ceux-ci un autre document par lequel il acceptait la suzeraineté du Siam. Par sa présence d'esprit, Doudart de Lagrée put éviter que Norodom allât se faire couronner à Bangkok où étaient détenus les insignes royaux. Dès que la ratification du protectorat fut arrivée de France, le couronnement de Norodom eut lieu à Udong le 3 juin 1864 : le roi reçut des mains du représentant de la France la couronne apportée de Bangkok. Mais peu après, un traité franco-siamois ratifié en 1867 par Napoléon III abandonnait au Siam les provinces de Battambang, Siem Reap et Sisophon, que le Cambodge ne devait recouvrer qu'en 1907, sous le règne du roi Sisovath.