GENERALITES SUR LES TEMPLES D'ANGKOR

Jérôme ROUER,sept 96, fév, mai 97.

La Conservation d'Angkor Principes d'architecture Techniques de construction Détails techniques


L'archéologie et l'histoire de l'art de l'ancien Cambodge sont encore des sciences récentes, et l'époque des découvertes historiques n'est pas encore révolue!
De nombreux temples repérés pendant le Protectorat restent à découvrir.

Aujourd'hui, la lecture de la civilisation d'Angkor est fortement biaisée par des considérations politico-religieuses.
Ainsi :
- il est politiquement correct d'affirmer haut et fort que le site ne fut jamais abandonné ; ce n'est pas un mensonge (existe-t-il sur la planète une terre aménagée par l'homme et encore cultivable restée sans habitants ?) mais l'état des temples au début du siècle, la totale méconnaissance qu'en avait la population, font que cet argument donne une bien piètre opinion de ceux qui ont dirigé le pays depuis lors...
- il est moralement correct, de lire et d'apprécier cette période dans un environnement bouddhique. C'est ignorer volontairement les horreurs du brahmanisme qui allait jusqu'à pratiquer les sacrifices humains.
Cette lecture et appropriation bouddhique ressemble à une amnésie dirigée qui n'est pas sans rappeller l'histoire récente et les Khmers rouges.


C'est le naturaliste Henri Mouhot qui fit découvrir à l'occident, en 1860, l'existence d'une civilisation d'autant plus exaltante que ses vestiges étaient ensevelis sous une végétation luxuriante. A l'exception de quelques ruines, dont Angkor Vat, il s'agissait de tumulus informes.
A la fois proche de la sensibilité occidentale (ordonnancement rigoureusement organisé des masses et des volumes), déroutante par la luxuriance des décors architecturaux, exotique par son environnement de jungle tropicale menaçante, désormais supposée (à tort pour les circuits touristiques) couverte de mines, la visite d'Angkor (à faire en saison "froide", du 15 novembre à fin janvier) crée enchantement, étonnement et exaltation, dans une sécurité totale si l'on reste dans le circuit touristique.

Angkor, nom moderne qui regroupe les anciennes capitales du royaume khmère, est à la fois :

L'empire d'Angkor (IXéme-XIIIéme siècle) comprenait, à l'époque de sa plus grande puissance, la presque totalité de la péninsule indochinoise.
Ville issue de volontés royales de plier la nature à des objectifs économiques elle était dépendante de travaux gigantesques et sans fin menés par des cohortes d'esclaves-paysans.

Notes :
La durée de construction d'un temple royal a été estimée à 32-35 ans.
La durée de construction d'un baray (bassin-réservoir d'eau) à 4-7ans (base :2 000 ouvriers)
un linga taillé dans un monolithe de dix tonnes avait été transporté au sommet du Phnom Bok - le plus haut, 235 mètres, et le plus escarpé des trois pitons (Phnom Bakeng et Phnom Krom) surmontant la plaine d'Angkor.

Aux premiers fléchissements de la volonté politique la nature reprit ses droits : après trois siècles de royauté forte arriva le temps des rois fainéants et de la décadence. En quelques 200 ans, après sa prise par les Siamois (1432), la ville, minée par les conséquences de la détérioration progressive de son immense réseau hydraulique, disparut corps et biens.


1- RESTAURATION & CONSERVATION

Je ne saurai trop conseiller la lecture du livre de Maxime Prodromidès, "
Angkor, chronique d'une renaissance".

L'organisme gouvernemental APSARA, créé en 1995, assume la responsabilité de la gestion du site.

Sans le travail passionné de la Conservation d'Angkor, sous l'autorité de l'Ecole Française d'Extrême-Orient ( fondée en 1901 ), personne ne pourrait imaginer la splendeur passée de ces monuments car, à quelques années près, la nature aurait achevé son implacable travail de digestion des derniers monuments. Climat et végétation avaient ruiné ces bâtiments qui s'étaient effondrés comme des soufflets après avoir éclatés sous la poussée des racines d'arbres gigantesques.
La première tâche, et non la moindre, des services de conservation fut de débarrasser les édifices de leur végétation envahissante

La Conservation d'Angkor fut créée en 1907, date à laquelle Angkor, qui était thaïlandais, est revenu définitivement au Cambodge.
Elle fut d'abord dirigée par des architectes. Le premier, Jean Commaille débroussailla jusqu'à son assassinat en 1916. (plaque commémorative à l'angle nord ouest du Bayon à dix mètres de la route)

Henri Marchal, décédé en 1970 à l'âge de 95 ans, termina le débrousaillage en 1922 et consolida les monuments avec le peu de moyens qu'il avait. A partir de 1931 il remonta le Bantea Srei, joyau de l'art khmer, en utilisant les techniques de l'anastylose : démontage total de l'oeuvre à reconstruire, reprise des fondations, puis reconstruction par pose des blocs préalablement numérotés. Les techniques de construction khmère (pose des pierres par rodage, sans mortier (voir bas-relief du Bayon)) se prêtaient parfaitement à l'anastylose : chaque pierre ne pouvait occuper qu'un seul emplacement. Les blocs disparus étaient discrètement remplacés.

Georges Trouvé, disparu tragiquement en 1935, puis Jacques Lagisquet dirigèrent la Conservation de 1932 à 1936.
Jusqu'en 1944 Maurice Glaize ouvrit de nouveaux chantiers. En 1941 il réussit de délicates négociations qui évitèrent qu'Angkor redevienne thaïlandais et permirent la poursuite des travaux pendant la durée de la seconde guerre mondiale.
Maurice GLAIZE composa le premier guide architectural des temples.

Henri Marchal repris du service dans les années 1952, période d'insécurité, et eût alors un rôle essentiel dans la défense d'Angkor. Il convient de lui associer, par ce que trop méconnu, celui qui fût un des plus admirables connaisseur du pays, monsieur Madrolle, auteur du fantastique guide "L'Indochine du Sud".

Bernard-Philippe Groslier, premier non-architecte, fut nommé Conservateur en 1959 de ce qui était le plus grand chantier archéologique du monde (900 ouvriers !), quitta le Cambodge en 1972 alors que depuis deux ans il s'efforçait d'expédier les plus belles pièces de la Conservation à Phnom Penh. Encore sous emballage d'origine en 1996, ces pièces feront l'objet d'une exposition à Paris, après restauration, en 1997. Il eut deux architectes pour l'aider dans son oeuvre : Guy Nafylan et Jacques Dumarçay. Ce dernier est actuellement en charge du chantier du Baphuon .

La Conservation ne fut rouverte qu'en 1991 et dépend du Ministère de la Culture.

Les plus graves menaces actuelles ressortent des diverses maladies de la pierre qui ravagent les constructions, des projets d'aménagement touristiques laissés entre les mains d'industriels, et des déprédations : dès son abandon (fin du XIII ème) Angkor a été soumis à un pillage systématique : tous les éléments de métal, des huisseries aux statues, ont disparu. Il ne reste aucune trace du mobilier, des décors et plafonds en bois, ni bien entendu des peintures. Il convient de tenir compte de tous ces éléments décoratifs pour mesurer la splendeur passée de ces monuments.

Historique de la Conservation depuis 1970

L'activité de la Conservation fut considérablement réduite dès les années 70 pour s'arrêter en 1973. Pendant ces années les plus précieux des objets stockés à la Conservation furent envoyés à Phnom Penh.
En Avril 1975 les khmers rouges déportèrent les habitants de la ville de Siem Reap et du site d'Angkor pour les envoyer en travaux forcés à la campagne... Les 750 employés de la Conservation furent envoyés à Roluos.
Jusqu'en 1978 le site fut totalement abandonné : pas âme qui vive, sauf pour des travaux forcés sur le système hydraulique, travaux aux conséquences désastreuses. Contrairement à ce qui a pu être écrit, les khmers rouges ont respecté le site (trois cas de mitraillage de statues ont été relevés) et auraient plutôt moins pillé que d'autres.
En entrant à Siem Reap, en 1979, les Vietnamiens occupèrent la Conservation et entreprirent un pillage systématique uniquement freiné par le manque de moyens logistiques. Ils se retirèrent en 1982.
Jusqu'en 1990 le trafic d'oeuvres d'art fut une industrie prospère dont le siège était basé en Thaïlande : le vandalisme n'avait pas de limites...
La coopération française créa et équipa en 1995 une compagnie spéciale de gendarmes qui, encore en octobre 1996, surprit 25 militaires en train de détruire un temple éloigné (Ces bons soldats furent remis à "l'autorité militaire" et nul n'eut vent de sanctions..)

Projets et Travaux actuels sur le site d'Angkor :